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une si grande place. Madame de Lamartine entra, l’accueillit avec cette cordialité tendre qui enlève toute timidité à une étrangère, et la mena dîner avec nous sous un lentisque où le vent de mer rafraîchissait et chantait des airs aussi doux que l’ombre du chardonneret de Reine dans son oreille de poëte. Accoutumée à vivre avec les paysannes de Saint-Point et de Milly, ma femme n’avait qu’à changer de paysage pour se croire encore avec ses compagnes habituelles de sa vie des champs. Reine l’aima du premier coup d’œil, s’y attacha par la conformité des bons cœurs, et n’a pas cessé de lui écrire depuis, une ou deux fois chaque année, pour lui envoyer des vœux et des souvenirs renfermés dans de petits ouvrages à l’aiguille de sa main.


XIX


Après le dîner, nous allâmes nous asseoir tous les trois sur les bancs d’une barque vide échouée au bord de la mer. Nous reprîmes notre conversation de vieille connaissance avec Reine Garde, tout en jouant avec l’écume qui venait mourir contre la quille ensablée du bateau.

« Vous aimez donc beaucoup à lire, et il faut que vous ayez beaucoup lu pour avoir appris ainsi toute seule à si bien parler votre langue et à exprimer en vers si harmonieux vos impressions ?

« — Oh ! oui, madame, dit Reine ; lire est mon plus grand plaisir après celui de prier Dieu et de travailler pour obéir à la loi de la Providence. Quand on s’est levé avec le jour et qu’on a cousu jusqu’à ce que l’ombre ne vous laisse plus distinguer un fil noir d’un fil blanc, on a bien besoin de reposer un peu ses doigts et d’occuper un peu son en-