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XI


« Il y a huit jours que je lus dans le journal de Marseille des vers superbes de M. Joseph Autran adressés à M. de Lamartine. Ces vers m’inspirèrent le désir passionné de voir la personne qui avait inspiré de si belles choses au poëte de notre province. Je demandai s’il était bien vrai que vous fussiez en ce moment à Marseille ; on me dit que vous y étiez en effet. Je n’eus plus de cesse ni de repos que je n’eusse accompli mon désir. Je suis venue sans penser seulement que je n’avais ni une robe neuve, ni une coiffure décente, ni rien du costume qu’il m’aurait fallu pour me présenter chez des personnes d’une condition au-dessus de la mienne ; et maintenant que me voilà, je ne sais plus que dire, et je reste là devant vous comme une aventurière qui vient pour duper d’honnêtes gens. Je ne suis pas cela, cependant, Monsieur, soyez-en bien sûr, et la preuve, c’est qu’à présent que je vous ai vu et que vous m’avez reçue avec tant de politesse et de prévenance, je m’en vais contente sans rien vouloir de plus de vous que votre réception.

« — Oh ! soyez bien tranquille, Mademoiselle, lui dis-je, je ne vous ai pas prise une seule minute pour ce que vous n’êtes pas ; votre physionomie est la meilleure des recommandations. Les oreilles se laissent duper quelquefois, c’est vrai, mais les yeux ne trompent jamais ; votre visage est trop transparent de candeur et de bonté pour servir de masque à une intrigante. La nature ne fait pas de si gros mensonges sur les traits. Je me sens aussi confiant avec vous, que si je vous connaissais depuis votre berceau. Mais je ne permettrai pas que vous vous en alliez ainsi sans avoir