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partiels, cette liberté des dix doigts de la main contre l’arbitraire du travail. M. Bastiat, que je connaissais de nom et d’œuvre, vint me voir. Il m’engagea à assister à ces réunions. Je connaissais ces questions. Je partageais en grande partie ses opinions sur le libre échange ; je ne différais que sur l’application plus ou moins rapide et plus ou moins révolutionnaire de ses théories. Je les voulais lentes, graduées et transformatrices, pour donner au travail protégé lui-même le temps de se transformer sans périr. J’assistai à de magnifiques séances où M. Bastiat, M. Reybaud, les députés, les académiciens, les grands négociants de Marseille, luttèrent de bon sens et d’éloquence. Je fus amené à y prendre la parole. On me traita en hôte du pays ; Marseille me nationalisa par son accueil. Cette belle ville devint une patrie de reconnaissance pour moi, comme elle était déjà une patrie de mes yeux. Ces séances accomplies, je repris ma solitude et mon travail dans mon faubourg.


VIII


Un dimanche, au retour d’une longue course en mer avec madame de Lamartine, on nous dit qu’une femme, d’un extérieur modeste et embarrassé, était arrivée par la diligence d’Aix à Marseille, et qu’elle nous attendait depuis quatre ou cinq heures dans une petite serre d’orangers qui faisait suite au salon de la villa sur le jardin. Je laissai madame de Lamartine entrer dans la maison, et j’entrai dans l’orangerie pour recevoir cette pauvre étrangère. Je ne connaissais personne à Aix, et j’ignorais complétement le motif qui pouvait avoir amené cette voyageuse d’une patience si obstinée à nous attendre toute une demi-journée.