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Cependant l’air du ciel et des soins caressants
D’Hermine évanouie ont ranimé les sens,
Et la foule, d’ivresse et de joie éperdue,
A repris à l’instant la fête suspendue.
De la chambre élevée où ruissellent ses pleurs,
Hermine entend monter leurs joyeuses clameurs ;
Sur le bord du fauteuil où sa tendresse veille,
Sa nourrice se penche et lui parle à l’oreille :
« Pourquoi cacher ces pleurs, belle enfant ? C’est en vain !
Ma main les sent couler ; versez-les dans mon sein,
Ce sein qui vous reçut, ce sein qui vous adore !
Le mal dont vous mourez, faut-il que je l’ignore ?
— Tu demandes le mal dont je me sens mourir,
Lui répond son Hermine, et Tristan va partir !
Que dis-je, à cet instant il est parti peut-être.
Nourrice, oh ! par pitié, regarde à la fenêtre !
Les ponts sont-ils baissés ? Ne vois-tu rien là-bas ?
De son destrier blanc reconnais-tu les pas ?
— Je n’entends que l’écho de la salle sonore.
— Ah ! si du moins mes yeux pouvaient le voir encore !
Si mon cœur pouvait dire avant de se briser
De ces mots que le temps ne pût jamais user,
Peut-être ma douleur, de mon sein exhalée,
Me déchirerait moins si je l’avais parlée.
Si ses derniers accents retenus dans mon cœur
S’y gravaient à jamais comme un sceau de douleur,
Peut-être je vivrais pour espérer encore !
Écoute un dernier vœu d’Hermine, qui t’implore !
Descends parmi la foule, ô nourrice ! et dis-lui,
Dis-lui, s’il en est temps, qu’avant que l’ombre ait fui,
Avant que du festin mon père ne se lève,
À l’angle du préau qui domine la grève
Il te suive et m’attende au bord profond des eaux,
Avant que ce croissant dépasse les créneaux.