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Or le page, frappant aux portes de la tour,
Disait à demi-voix : « Roger, voici le jour ! »


LA DAME


Prends mon long chapelet, où pend mon reliquaire ;
Baise soir et matin ces reliques des saints ;
J’ai tant prié pour toi sur ce pauvre rosaire,
Que mes doigts fatigués en ont usé les grains ;
Quand, voyageant le soir sur la terre lointaine,
L’angélus sonnera dans la tour du beffroi,
Pour que ton âme au ciel se rencontre avec moi,
En mémoire d’Yseult tu diras ta dizaine.

Or le page, frappant aux portes de la tour,
Disait à demi-voix : « Roger, voici le jour ! »



Tristan allait poursuivre, un cri soudain l’arrête.
Hermine sur son luth vient de pencher la tête,
Son visage a changé, sa défaillante main
N’a pu même achever le funèbre refrain.
Elle tombe mourante au sein de sa nourrice
Comme un lis dont le ver a piqué le calice.
On l’apporte en sa tour, sans voix et sans couleur.
Tristan rejette au loin sa harpe avec douleur,
Et, la foulant aux pieds sur le pavé de dalle,
Disperse avec dédain ses débris dans la salle.
« Toi qui chantas pour elle une dernière fois,
Tu ne mêleras plus tes sons à d’autres voix ! »
Dit-il. Et, s’éloignant de la foule étonnée,
Il va sur le donjon plaindre sa destinée.