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Le baron, à ces mots, lui lance un faux sourire ;
Mais Béranger, honteux qu’on ait osé dédire
En sa présence même un noble chevalier :
« Vous chanterez, Tristan ; tant d’orgueil doit plier ;
Écuyer, apportez la harpe du trouvère ;
Hermine, que ta voix charme aussi ton vieux père,
Et chantez tous les deux l’histoire d’Amadis,
Où vos deux voix d’enfants s’entremêlaient jadis. »
Il dit. Hermine tremble et murmure en son âme ;
Le page avec respect s’approche de sa dame,
Lui présente son luth au clou d’or suspendu,
Ce luth dont le doux son, et sa voix confondu,
Résonnait autrefois de loin à son oreille,
Plus gai qu’un premier chant de l’oiseau qui s’éveille ;
Et lui-même, prenant des mains d’un écuyer
Une harpe nouée auprès d’un bouclier,
L’accorde lentement et d’une main distraite ;
Et de saisissement la foule était muette.
Enfin, d’une voix faible et sans lever les yeux,
Hermine commença le doux lai des adieux.
Or c’était un récit triste comme leur âme
Et que, sans y penser, avait choisi la dame,
D’un chevalier quittant pour ne plus la revoir
Celle dont la pensée était le seul espoir ;
Un vieux barde, exilé des bords de la Durance,
L’avait porté jadis de l’Italie en France.
Deux voix, pour imiter cette scène d’amour,
S’en devaient partager les couplets tour et tour ;
Et la harpe et le luth, de leurs notes plaintives,
En suspendre un moment les stances fugitives.