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Et l’âne domestique ; et l’onagre et le chien
De l’homme autant que l’homme ami, frère, gardien,
Qui, d’un maître indigent dédaignant les largesses,
N’aime en lui que lui-même et vit de ses caresses.
Il entend gazouiller sur la cime des bois
Ces oiseaux dont jamais il l’entendit la voix,
Ces chantres de la nuit, du soir ou de l’aurore,
Que chaque heure du jour et des nuits fait éclore
Et qui, pour assoupir ou réveiller nos sens,
Exhalent leurs amours en suaves accents.
C’était l’heure où du jour toutes les voix s’apaisent,
Où des oiseaux lassés les vifs accords se taisent,
Où Philomèle seule, attendrissant les airs,
Au malheureux qui veille adresse ses concerts ;
Sur un rameau voisin où son nid se balance,
Elle enchantait du soir l’harmonieux silence.
Éloïm écoutait ses doux sons s’exhaler ;
D’autres sens à son cœur semblaient se révéler.
Jamais semblable aspect et jamais voix pareilles
N’avaient charmé ses yeux ou ravi ses oreilles.
De tous ces habitants de la terre et des cieux
Qui portaient, qui servaient, qui charmaient nos aïeux,
Il ne connaissait rien que ces vaines images
Que les traditions conservent aux vieux âges,
Et pendant qu’ils passaient, ainsi qu’au premier jour,
Sa bouche avec transport les nommait tour à tour ;
Mais ses regards en vain dans ce séjour champêtre
Cherchaient des animaux le modèle et le maître :
Tout y rappelait l’homme, on ne l’y voyait pas.
Était-ce un lieu divin interdit à ses pas ?
Une ombre de l’Éden conservée à la terre ?
Ou d’un ange exilé le palais solitaire ?
Éloïm interdit doutait… quand une voix,
Une voix dont son cœur a tressailli trois fois,