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Un homme, car ses traits du moins étaient d’un homme,
Inconnu des vivants avait paru dans Rome :
Jeune, beau, tel enfin que les hommes pieux
Jadis voyaient passer les messagers des cieux.
Son front pur et serein, ses traits ornés de grâces,
Du malheur des humains ne portaient point les traces ;
Ses yeux demi-baissés à travers leur azur
Laissaient lire la paix d’un cœur tranquille et pur,
Et son regard brillant d’amour et d’espérance
Avait des anciens jours le calme et l’innocence !
Le duvet de sa joue à peine se montrant,
Le sourire ingénu sur ses lèvres errant,
La candeur de son front et les tresses bouclées
De l’or de ses cheveux sur son cou déroulées,
Marquaient cet âge heureux, ce matin de nos jours,
Où l’astre de la vie, en commençant son cours,
Sur les traits indécis de l’homme enfant encore
Mêle aux feux du Midi les teintes de l’aurore !
Cependant le bâton qui pliait sous sa main,
Ses pieds qu’avait blessés la longueur du chemin,
Ses vêtements couverts de fange et de poussière,
La fatigue du jour pesant sur sa paupière,
Et de son front pâli la brûlante sueur,
Tout donnait à ses traits l’aspect d’un voyageur
Qui, marchant nuit et jour vers des plages lointaines,
Arrive avec effort au terme de ses peines !
Mais sur la terre encor qui pouvait voyager ?
D’où venait, où tendait ce divin étranger ?
Était-il donc encor sur quelque heureuse plage
Un peuple, une famille échappée du naufrage,
Qui dans un doux asile, à l’ombre du Seigneur,
Des enfants de la terre ígnorât le malheur ?
Cet enfant inconnu de ces heureuses terres
Venait-il en montrer le chemin à ses frères ?