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C’est Homère endormi, qu’une esclave sans maître

Réchauffe de son seul amour ;

C’est un enfant chassé de l’ombre de son hêtre,
Qui pleure les chevreaux que ses pas menaient paître,

Et qui sera Virgile un jour !


C’est Moïse flottant dans un berceau fragile

Sur l’onde, au hasard des courants,

Que l’éclair du Sina visite entre cent mille,
Pendant qu’il fend le marbre ou qu’il pétrit l’argile

Pour la tombe de ses tyrans !


Ainsi l’instinct caché dans la nature entière

Mûrit pour l’immortalité :

La perle au fond des mers, l’or au sein de la pierre,
Le diamant dans l’ombre où languit sa lumière,

La gloire dans l’obscurité ;


La gloire, oiseau divin, phénix né de lui-même,

Qui vient tous les cent ans, nouveau,

Se poser sur la terre et sur un nom qu’il aime,
Et qu’on y voit mourir ainsi que son emblème,

Mais dont nul ne sait le berceau !


Ne t’étonne donc pas qu’un ange d’harmonie

Vienne d’en haut te réveiller :

Souviens-toi de Jacob ! Les songes du génie
Descendent sur des fronts qui n’ont dans l’insomnie

Qu’une pierre pour oreiller.