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Que lui fait qu’au couchant le vent de feu se lève,
Et, comme un océan qui laboure la grève,
Comble derrière lui l’ornière de ses pas,
Suspende la montagne où courait la vallée,
Où sème en flots durcis la dune amoncelée ?

Il marche, et ne repasse pas.


Mais vous, peuples assis de l’Occident stupide,
Hommes pétrifiés dans votre orgueil timide,
Partout où le hasard sème vos tourbillons
Vous germez comme un gland sur vos sombres collines,
Vous poussez dans le roc vos stériles racines,

Vous végétez sur vos sillons !


Vous taillez le granit, vous entassez les briques,
Vous fondez tours, cités, trônes ou républiques :
Vous appelez le temps, qui ne répond qu’à Dieu ;
Et, comme si des jours ce Dieu vous eût fait maître,
Vous dites à la race humaine encore à naître :

« Vis, meurs, immuable en ce lieu !


» Recrépis le vieux mur écroulé sur ta race,
Garde que de tes pieds l’empreinte ne s’efface,
Passe à d’autres le joug que d’autres t’ont jeté !
Sitôt qu’un passé mort te retire son ombre,
Dis que le doigt de Dieu se sèche, et que le nombre

Des jours, des soleils est compté ! »


En vain la mort vous suit et décime sa proie,
En vain le Temps, qui rit de vos Babels, les broie
Sous son pas éternel, insectes endormis ;
En vain ce laboureur irrité les renverse,
Ou, secouant le pied, les sème et les disperse

Comme des palais de fourmis ;