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Où sont-ils, dès que ton haleine
A cessé d’embraser leurs seins ?

Ils meurent les premiers !… Foyer qui se consume,
Flots qui rongent la rive et fondent en écume,
Arbres brisés du vent sous qui l’herbe a ployé !
En néant avant nous ils viennent se résoudre ;
Tu jettes leur orgueil et leur nom dans la poudre,
Et ton doigt les éteint comme il éteint la foudre

Quand elle a foudroyé.


Il se fait un vaste silence :
L’esprit dans ses ombres se perd,
Le doute étouffe l’espérance,
Et croit que le ciel est désert !

Puis tel qu’un chêne obscur, longtemps avant l’orage
Dont frémit tout à coup l’immobile feuillage,
Et dont l’oiseau s’enfuit sans entendre aucun son,
Le monde, où nul éclair ne te précède encore,
D’un inquiet ennui se trouble et se dévore,
Et, comme à son insu, de l’esprit qu’il ignore

Sent le divin frisson !


Et le ciel se couvre, et la terre
Croit qu’un astre s’est approché ;
Et nul ne comprend ce mystère,
Car ton maître est un Dieu caché.

Mais moi je te comprends, car je baisse la tête !
J’entends venir de loin la céleste tempête ;
Et, d’un effroi stupide impassible témoin,
Quand de l’antique jour les clartés s’affaiblissent,
Que des lois et des mœurs les colonnes fléchissent,
Que la terre se trouble et que les cieux pâlissent,

Je dis : « Il n’est pas loin ! »