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Au dedans, que le pouls, balancier de la vie,
Dont les coups inégaux, dans ma tempe engourdie,
M’annoncent sourdement que le doigt de la mort
De la machine humaine a pressé le ressort,
Et que, semblable au char qu’un coursier précipite,
C’est pour mieux se briser qu’il s’élance plus vite.





Et c’est donc là le terme ! — Ah ! s’il faut une fois
Que chaque homme à son tour élève enfin la voix,
C’est alors, c’est avant qu’une terre glacée
Engloutisse avec lui sa dernière pensée ;
C’est à cette heure même où, près de s’exhaler,
Toute âme a son secret qu’elle veut révéler,
Son mot à dire au monde, à la mort, à la vie,
Avant que pour jamais, éteinte, évanouie,
Elle en ait disparu, comme un feu de la nuit
Qui ne laisse après soi ni lumière ni bruit !
Que laissons-nous, ô vie, hélas ! quand tu t’envoles ?
Rien, que ce léger bruit des dernières paroles,
Court écho de nos pas, pareil au bruit plaintif
Que fait en palpitant la voile de l’esquif,
Au murmure d’une eau courante et fugitive
Qui gémit sur sa pente et se plaint à sa rive.
Ah ! donnons-nous du moins ce charme consolant
D’entendre murmurer ce souffle en l’exhalant !
Parlons, puisqu’un vain son que suit un long silence
Est le seul monument de toute une existence,
La pierre qui constate une vie ici-bas ;
Comme ces marbres noirs qu’on élève au trépas
Dans ces champs, du cercueil solitaire domaine,
Qui marquent d’une date une poussière humaine,