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Qu’était-ce que ta vie ? Exil, ennui, souffrance,

Un holocauste à l’espérance,

Un long acte de foi chaque jour répété !
Tandis que l’insensé buvait à plein calice,
Tu versais à tes pieds ta coupe en sacrifice,
Et tu disais : « J’ai soif, mais d’immortalité ! »






Tu vas boire à la source vive
D’où coulent les temps et les jours,
Océan sans fond et sans rive,
Toujours plein, débordant toujours.
L’astre que tu vas voir éclore
Ne mesure plus par aurore
La vie, hélas ! près de tarir,
Comme l’astre de nos demeures,
Qui n’ajoute au présent des heures
Qu’en retranchant à l’avenir.

Oublie un monde qui s’efface,
Oublie une obscure prison !
Que ton regard privé d’espace
Découvre enfin son horizon !
Vois-tu ces voûtes azurées,
Dont les arches démesurées
S’entr’ouvrent pour s’étendre encor ?
Bientôt leur courbe incalculable
Te sera ce qu’un grain de sable
Est au vol brûlant du condor.