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l’armée des astres, de la beauté de la saison, de l’organisation des fleurs, des insectes, des instincts maternels des oiseaux, dont on voyait toujours quelques nids respectés par nous entre les branches de nos rosiers ou de nos arbustes. Tout cela entassé dans son cœur comme les prémices sur l’autel, et allumé au feu de son jeune enthousiasme s’exhalant en regards, en soupirs, en quelques gestes inaperçus et en versets des Psaumes sourdement murmurés ! Voilà ce qu’entendaient seulement les herbes, les feuilles, les arbres et les fleurs dans cette allée du recueillement.


IV


Cette allée était pour nous comme un sanctuaire dans un saint lieu, comme la chapelle du jardin où Dieu lui-même la visitait. Nous n’osions jamais y venir jouer ; nous la laissions entièrement à son mystérieux usage sans qu’on nous l’eût défendu. A présent encore, après tant d’années que son ombre seule s’y promène, quand je vais dans ce jardin, je respecte l’allée de ma mère. Je baisse la tête en la traversant, mais je ne m’y promène pas moi-même pour n’y pas effacer sa trace.

Quand elle sortait de ce sanctuaire et qu’elle revenait vers nous, ses yeux étaient mouillés, son visage plus serein et plus apaisé encore qu’à l’ordinaire. Son sourire perpétuel sur ses gracieuses lèvres avait quelque chose de plus tendre et de plus amoureux encore. On eût dit qu’elle avait déposé un fardeau de tristesse ou d’adoration, et qu’elle marchait plus légèrement à ses devoirs les reste de la journée.