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abandonnées des gens de la campagne. Là où nous entrions entrait une providence, une espérance, une consolation, un rayon de joie et de charité. Ces douces habitudes d’intimité avec tous les malheureux et d’entrée familière dans toutes les demeures des habitants du pays, avaient fait pour nous une véritable famille de tout ce peuple des champs. Depuis les vieillards jusqu’aux petits enfants, nous connaissions tout ce petit monde par son nom. Le matin, les marches de pierre de la porte d’entrée de Milly et le corridor étaient toujours assiégés de malades ou de parents des malades qui venaient chercher des consultations auprès de notre mère. Après nous, c’était à cela qu’elle consacrait ses matinées. Elle était toujours occupée à faire quelques préparations médicinales pour les pauvres, à piler des herbes, à peser des drogues dans de petites balances, souvent même à panser les blessures et les plaies les plus dégoûtantes. Elle nous employait, nous l’aidions selon nos forces à tout cela. D’autres cherchent l’or dans ces alambics ; notre mère n’y cherchait que le soulagement des infirmités des misérables, et plaçait ainsi bien plus haut et bien plus sûrement dans le ciel l’unique trésor qu’elle ait jamais désiré ici-bas : les bénédictions des pauvres et la volonté de Dieu.


III


Quand tout ce tracas du jour se taisait enfin, que nous avions dîné, que les voisins qui venaient quelquefois en visite s’étaient retirés, et que l’ombre de la montagne, s’allongeant sur le petit jardin, y versait déjà le crépus-