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Le fond de cette âme, c’était un sentiment immense, tendre et consolant de l’infini. Elle était trop sensible et trop vaste pour les misérables petites ambitions de ce monde. Elle le traversait, elle ne l’habitait pas. Ce sentiment de l’infini en tout, et surtout en amour, avait dû se convertir pour elle en une invocation et en une aspiration perpétuelle à celui qui en est la source, c’est-à-dire à Dieu. On peut dire qu’elle vivait en Dieu autant qu’il est permis à une créature d’y vivre. Il n’y a pas une des faces de son âme qui n’y fût sans cesse tournée, qui ne fût transparente, lumineuse, réchauffée par ce rayonnement d’en haut, découlant directement de Dieu sur nos pensées. Il en résultait pour elle une piété qui ne s’assombrissait jamais. Elle n’était pas dévote dans le mauvais sens du mot ; elle n’avait aucune de ces terreurs, de ces puérilités, de ces asservissements de l’âme, de ces abrutissements de la pensée qui composent la dévotion chez quelques femmes, et qui ne sont en elles qu’une enfance prolongée toute la vie, ou une vieillesse chagrine et jalouse qui se venge par une passion sacrée des passions profanes qu’elles ne peuvent plus avoir.

Sa religion était, comme son génie, tout entière dans son âme. Elle croyait humblement ; elle aimait ardemment ; elle espérait fermement. Sa foi était un acte de vertu et non un raisonnement. Elle la regardait comme un don de Dieu reçu des mains de sa mère, et qu’il eût été coupable d’examiner et de laisser emporter au vent du chemin. Plus tard, toutes les voluptés de la prière,