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vide, désert et refroidi de toutes ces délicieuses tendresses qui l’animaient, j’aime à le revoir, j’aime à y coucher encore quelquefois, comme si je devais y retrouver à mon réveil la voix de ma mère, les pas de mon père, les cris joyeux de mes sœurs, et tout ce bruit de jeunesse, de vie et d’amour qui résonne pour moi seul sous les vieilles poutres, et qui n’a plus que moi pour l’entendre et pour le perpétuer un peu de temps.


V


L’extérieur de cette demeure répond au dedans. Du côté de la cour, la vue s’étend seulement sur les pressoirs, les bûchers et les étables qui l’entourent. La porte de cette cour, toujours ouverte sur la rue du village, laisse voir tout le jour les paysans qui passent pour aller aux champs ou pour en revenir ; ils ont leurs outils sur une épaule, et quelquefois sur l’autre un long berceau où dort leur enfant. Leur femme les suit à la vigne, portant un dernier né à la mamelle. Une chèvre avec un chevreau vient après, s’arrête un moment pour jouer avec les chiens près de la porte, puis bondit pour les rejoindre.

De l’autre côte de la rue est un four banal qui fume toujours, rendez-vous habituel des vieillards, des pauvres femmes qui filent et des enfants qui s’y chauffent à la cendre de son foyer jamais éteint. Voila tout ce qu’on voit d’une des fenêtres du salon.

L’autre fenêtre, ouverte au nord, laisse plonger le regard au-dessus des murs du jardin et des tuiles de quelques maisons basses, sur un horizon de montagnes