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sant et aimant, en communication perpétuelle avec la nature qu’il respire par tous les pores, et avec Dieu qu’il sent par tous ses bienfaits.


III


Elles furent humbles, sévères et douces, les premières impressions de ma vie. Les premiers paysages que mes yeux contemplèrent n’étaient pas de nature à agrandir ni à colorer beaucoup les ailes de ma jeune imagination. Ce n’est que plus tard et peu à peu que les magnifiques scènes de la création, la mer, les sublimes montagnes, les lacs resplendissants des Alpes, et les monuments humains dans les grandes villes, frappèrent mes yeux. Au commencement, je ne vis que ce que voient les enfants du plus agreste hameau dans un pays sans physionomie grandiose. Peut-être est-ce la meilleure condition pour bien jouir de la nature et des ouvrages des hommes, que de commencer par ce qu’il y a de plus modeste et de plus vulgaire, et de s’initier, pour ainsi dire, lentement et à mesure que l’âme se développe, aux spectacles de ce monde. L’aigle lui-même, destiné à monter si haut et à voir de si loin, commence sa vie dans les crevasses de sa roche, et ne voit dans sa jeunesse que les bords arides et souvent fétides de son nid.

Le village obscur où le ciel m’avait fait naître, et où la révolution et la pauvreté avaient confiné mon père et ma mère, n’avait rien qui pût marquer ni décorer la place de l’humble berceau d’un peintre ou d’un contemplateur de l’œuvre de Dieu.