Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Bientôt tu me verras peut-être
Penchant sur toi mes cheveux blancs,
Cueillir un rameau de ton hêtre
Pour appuyer mes pas tremblants.

Assis sur un banc de la mousse,
Sentant mes jours prêts à tarir,
Instruit par ta pente si douce,
Tes flots m’apprendront à mourir.

En les voyant fuir goutte à goutte,
Et disparaître flot à flot,
Voilà, me dirai-je, la route,
Où mes jours les suivront bientôt.

Combien m’en reste-t il encore ?
Qu’importe ? Je vais où tu cours ;
Le soir pour nous touche à l’aurore :
Coulez, ô flots ! coulez toujours !



XLVIII


J'aimais ce lieu, j’aimais cet oncle, j’aimais ces vieux domestiques qui m’avaient vu enfant, et pour qui mon arrivée dans leur désert était un rayon de souvenir et de joie dans leur cœur, une variété dans leur vie, un mouvement dans leur uniformité ; j’aimais jusqu’aux chiens et aux immenses troupeaux de moutons qu’un pasteur vraiment homérique, le vieux Jacques, gouvernait comme Eumée dans la grise Ithaque, avec l’orgueil d’un chef pour son peuple et la providence d’une mère pour ses enfants ; j’aimais surtout une femme excellente qui gouvernait le château et les nombreux domestiques avec cette douceur et cette bonté qui soumet