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prédite par tous les yeux. Je voyais tout cela comme a travers un nuage ; je ne dansais pas, je ne jouais pas ; je n’approchais d’aucun groupe pour échanger ces paroles banales, jetons faux et dorés de ces conversations de hasard. J’affligeais ma mère, j’étonnais la société par ma séquestration morale de tout ce qui animait la maison.


XLVII


Je vis avec joie revenir le printemps, qui finissait tout ce mouvement de plaisir dans les abstinences et dans les pratiques pieuses du carême. Je pris le prétexte d’aller visiter un autre de mes oncles qui habitait la haute Bourgogne, pour n’éloigner de Mâcon et me soustraire à cette curiosité de petite ville qui veut tout savoir et qui interprète tout ce qu’elle ne sait pas.

Je partis pour le château d’Urcy, une des anciennes résidences de mon grand-père, que le second de mes oncles avait eu pour sa part dans la succession. J’aimais cet oncle par dessus tous les autres membres de la famille. Cet oncle était l’abbé de Lamartine. J’ai parlé de lui dans mes premières pages. J’ai dit comment la nature en avait fait un homme du monde, de liberté et de plaisir ; comment le droit d’aînesse en avait fait forcément un ecclésiastique ; comment il avait vécu à Paris et à la cour, faisant son noviciat d’évêque dans les salons des femmes les plus belles et les moins austères de la cour de Louis XV ; comment, trop indifférent en matière de foi, il avait cependant confessé la sienne, pendant la persécution révolutionnaire, jusqu’au martyre, martyre