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qu’elle aurait sentie naître dans son propre cœur : elle n’avait pas de repos qu’elle ne l’eût dissipée. On l’appelait, parmi les paysans, la justice de paix de l’amitié. Le curé disait : « Ce n’est pas la justice de paix, mes amis, c’est bien mieux : c’est la justice d’amour ! c’est l’Évangile que je vous prêche et qu’elle vous montre en visage et en action. Si vous ne voulez pas n’écouter, regardez-la ! sa grâce est si belle qu’elle vous fera comprendre la grâce de Dieu ! »

Ce curé-la était le curé de Bussières, cet abbé Dumont qui m’a servi de type dans le poëme de Jocelyn, et qui devint mon ami plus tard. Il n’avait pas la piété de ma mère, mais il avait l’enthousiasme de sa vertu.


XLIII


Les deux villages, dans le voisinage de Milly, où ma mère dirigeait le plus souvent et le plus naturellement ses pas, étaient Bussières et Pierreclos. Le château antique et pittoresque de Pierreclos était habité par le comte de Pierreclos, ancien seigneur de toute cette gorge à la naissance des montagnes de Saint-Point. Figure des romans de Walter Scott dans un pays parfaitement semblable de physionomie à l’Écosse ; vieillard illettré, rude, sauvage, absolu sur sa famille, bon au fond, mais fier et dur de langage avec ses anciens vassaux, qui avaient saccagé sa demeure pendant les premiers orages de la révolution, ne comprenant absolument rien ni à la marche, ni aux idées de son siècle, ou plutôt ne sachant pas ce que c’était qu’idée ; treizième siècle empaillé dans un homme ; bizarre, original, grotesque de costume