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une haute considération sur le nom de l’abbé Sigorgne dans son ordre et dans le pays. Sa vertu rehaussait encore sa renommée et sa vieillesse. Il donnait le matin, gratuitement, et pour le progrès seul de la science, des leçons dans sa bibliothèque aux jeunes gens d’espérance. M. Mathieu, l’astronome dont le nom illustre à son tour la science et le pays où il est né, fut un de ses disciples. L’abbé Sigorgne, malgré ses quatre-vingts ans passés, causait avec cette indulgence, seconde grâce de la vieillesse presque aussi touchante que la grâce de la jeunesse ; car, si l’une est une timidité, l’autre est une condescendance : toutes les deux intéressent. On l’écoutait avec déférence. Sa conversation était abondante comme un livre, divisée et distribuée comme un sermon ; on y sentait le professeur écouté ; mais il mêlait à l’enseignement une grande variété d’anecdotes sur les femmes et les hommes célèbres du dernier siècle, qui réveillaient puissamment l’attention. Il déridait aussi l’entretien par des citations de ses poésies et de ses couplets de société, essais malheureux qui sont restés dans ma mémoire comme les fameux vers de Malebranche. Il est presque impossible de faire comprendre à un savant-que la poésie n’est pas la rime. L’abbé Sigorgne, qui mourut longtemps après, laissa son nom à la rue de la ville qu’il avait habitée. Quand on n’a pas de famille, c’est quelque chose que de donner son nom à des pierres.


XXXIV


Un autre abbé, nommé l’abbé Bourdon, figurait tous les soirs dans le salon de mon oncle. Abbé de cour,