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cet examen quotidien de conscience fait par ses belles-sœurs et par son beau-frère ; elle palliait, elle excusait, elle réfutait avec grâce, humilité et douceur ; mais si une parole un peu vive et un peu défensive venait à lui échapper dans sa réfutation, la contradiction se ranimait, s’irritait, s’échauffait ; les trois antagonistes qu’elle avait toujours réunis devant elle ne faisaient plus qu’un esprit et qu’une voix pour la condamner, chacun avec son caractère : mon oncle avec autorité, mademoiselle de Lamartine avec douceur, madame du Villars avec obstination et emportement. Notre mère, affligée à cause de nous, finissait quelquefois par se révolter, souvent par pleurer de ces injustices ; je prenais vivement et passionnément le parti de ma mère, je laissais échapper par demi-mots contre ces oppressions la colère qui grondait sourdement dans ma poitrine. On s’expliquait, on s’adoucissait, on s’excusait, les femmes échangeaient quelques larmes et quelques caresses, puis on sortait, plus ou moins bien réconciliés, pour recommencer exactement le lendemain les mêmes froissements, les mêmes récriminations et les mêmes réconciliations de famille. Voilà pourtant ce qu’une pauvre mère, femme supérieure, fière et digne, était forcée de subir tous les jours dans l’intérêt de l’avenir de ses enfants, qui dépendait de ces trois têtes de la famille. Nous appelions cette heure l’heure du martyre, et nous la compensions par nos redoublements de tendresse envers elle quand nous étions sortis ; car c’était toujours pour nous, et pour moi surtout, qu’elle avait à accepter cet assaut d’humeur. Plus tard, cette humeur, qui n’était au fond que le désœuvrement de trois esprits inoccupés, et que la sollicitude un peu trop souveraine et un peu trop tracassière de la parenté, a bien réparé tous ces petits torts de