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vient le premier sur leurs genoux pour leur apprendre qu’elles sont mères, et celui qui reste le dernier à la maison pour leur rappeler qu’elles ont été jeunes. Cette faiblesse de ma mère aurait gâté Sophie, si Sophie eût été susceptible d’abuser d’un ascendant de tendresse. Mais Dieu n’avait pas mêlé une imperfection à l’argile dont il avait pétri cette enfant des jours avancés de notre père. C’était l’innocence de la famille : elle en avait le visage et la voix, comme elle en eut plus tard la destinée.


XIV


Ma mère, qui me cherchait involontairement des yeux pour se parer de tout son bonheur groupé ainsi autour d’elle à la porte de la maison de Dieu, à qui elle reportait tout, me fit un sourire et un signe. Je perçai la foule, je me joignis à mes sœurs et a elle. Mon père nous attendait un peu plus loin. Nous revînmes lentement tous ensemble à la maison, accompagnés encore de quelques amis de la famille qui nous accostaient de rue en rue. La foule se rangeait et murmurait des demi-mots d’admiration en voyant cette mère au milieu de ce charmant cortége qu’elle s’était fait à elle-même. C’était la Niobé des bords de la Saône avant ses malheurs. Je lisais dans tous les yeux la cordialité et la bénédiction intérieure des physionomies du peuple sur cette belle et sainte femme. Je marchais seul à quelques pas derrière ce gracieux faisceau de mes jeunes sœurs, dont je voyais les blondes tresses flotter sur leurs robes de même coupe et de même couleur. Le spectacle de ce père et de cette