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rieure en reflet, bien qu’elle ne l’égalât pas peut-être en perfection, ravissait par l’éblouissement. On pouvait contempler à froid les autres ; celle-ci enflammait, car c’était un foyer. On prédisait qu’à l’âge de son développement complet et de son rayonnement dans les âmes, elle serait une des beautés les plus prédestinées à embraser les cœurs, les plus fatales au regard qui oserait s’y arrêter. Son caractère, à cette époque, semblait répondre à. ces augures. Elle avait l’attrait soudain, l’abandon naïf, la fougue, l’obstination, les rébellions, les caprices des âmes de feu de l’Italie, avant qu’on jette un aliment de passion à dévorer à leur flamme. On craignait qu’elle ne donnât plus tard bien des difficultés et bien des peines à notre mère. Ces appréhensions étaient vaines. Tout ce feu extravasé de l’enfance s’amortit dans le cœur de la jeune fille. Une inclination combattue et vaincue par la volonté de la famille, un mariage de raison et de devoir pieusement accepté en sacrifice d’obéissance filiale, la langueur et la mort dans un climat qui n’était pas celui de son sang, devaient être toute la destinée de cette sœur. Une larme sur du feu, voila toute Césarine ! J’y penserai jusqu’au tombeau.

Elle donnait la main en ce moment à la dernière d’entre nous, une sœur plus petite et encore tout enfant, qu’on nommait Sophie. C’était une figure des bords du Rhin, aux yeux d’une eau pâle, à la chevelure humide de plis, à l’expression méditative, sensible et douce. Elle tournait sans cesse le visage et levait les yeux sur ma. mère, pour deviner et pour obéir at ce qu’elle aurait deviné dans ses yeux. Tendresse, ingénuité, obéissance, tous les éléments de son caractère étaient des vertus. Ma mère l’adorait comme toutes les femmes adorent par-dessus tout leur premier et leur dernier enfant, celui qui