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Derrière ce cabinet, il y avait deux ou trois petites chambres à plusieurs lits pour mes sœurs.

Mon père, après m’avoir fait parcourir toutes ces pièces, me fit monter au second étage. Il était composé de grandes chambres nues formant la répétition du premier. Puis il m’ouvrit celle qu’il me destinait à moi-même. Elle était au-dessus de la sienne et prenait jour par deux fenêtres, aussi sur le jardin. Une alcôve pour mon lit, un large cabinet pour le travail, faisant face au cabinet des Muses, une belle lumière, le silence du jardin, un pan plus large du ciel pour horizon, parce que je dominais un peu les toits du couvent, faisaient de cette chambre de ma jeunesse une solitude à la fois sereine et recueillie. Elle n’avait pour élégance et pour décoration que deux beaux dessus de porte sculptés en bíscuit, d’une pâte éclatante. Ils représentaient, l’un, des petites filles se regardant dans le miroir d’une fontaine, et se parant de fleurs qui croissaient au bord ; l’autre, des petits garçons jouant avec des animaux et luttant contre une chèvre qu’ils tenaient cabrée par les cornes.

J’eus le temps, pendant une longue distraction dans cette chambre solitaire, d’étudier ces deux médaillons et les intentions de l’architecte. C’était évidemment la chambre destinée aux enfants, le gynécée de la maison primitive. Je remerciai mon père, que je n’avais jamais vu si fa millier et si gracieux, et je m’installai dans l’appartement qu’il m’avait préparé avec tant de bonté. Après souper, j’allai embrasser les autres membres de la famille, qui m’accueillirent avec plus de froideur. Je rentrai et me couchai, rêvant au triste avenir que me faisaient envisager à Mâcon le vide de mon cœur et l’oisiveté de ma vie. La lassitude m’endormit cependant.