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La maison, qui existe encore, mais qui a été vendue et subdivisée depuis la mort de mon père et la dispersion de la famille, était située dans le quartier élevé, noble et solitaire de la ville, que j’ai décrit dans le commencement de ce récit. Elle avait appartenu avant la révolution à une famille patricienne du Mâconnais avec laquelle nous avions des alliances et des intimités de bon voisinage, la famille d’Osenay.

Elle avait sa façade principale sur une large rue à pente un peu roide qui débouchait sur quelques tilleuls, dépendance de la grande place de l’Hôpital, et promenade ordinaire des enfants, des nourrices et des vieillards de ce haut quartier. Un linteau de marbre noir, merveilleusement sculpté, au-dessus de la porte, annonçait un sentiment d’art et de luxe architectural dans celui qui l’avait bâtie. Cette porte ouvrait sur un vestibule large, profond, surbaissé, humide et sombre. Au fond de ce vestibule on apercevait les premières marches d’un escalier éclairé par un jour indirect et ruisselant d’en haut, comme dans les tableaux d’intérieur de couvent par Granet, le peintre du recueillement. À droite et à gauche de ce vestibule s’ouvraient quatre portes ; c’étaient les remises, les bûchers, les cuisines, vastes souterrains qui contenaient encore des puits, des caves, de vastes cheminées pour tous les usages domestiques, mais qui ne recevaient le jour que par des larmiers à fleur de terre du jardin.

L’escalier en pierres jaunes avait été évidemment construit pour un homme âgé. Les marches en étaient si peu hautes et si doucement inclinées que j’en franchissais toujours cinq ou six à la fois. Il ressemblait a ces escaliers insensibles du Vatican et du Quírínal à Rome qui semblent proportionner leurs degrés de marbre