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célébrité dans les cendres de mon propre cœur ; ils ont dit que, par une anticipation de vanité, je voulais cueillir et respirer, de mon vivant, jusqu’aux tristes fleurs d’un jour qui croîtraient après moi sur mon tombeau. Ils ont crié à la profanation du sentiment intérieur, à l’effronterie de l’âme dévoilée à nu, au scandale des souvenirs confiés, à la vénalité des choses saintes, à la símoníe du poëte vendant ses fibres pour sauver l’arbre et le toit de son berceau ! J'ai lu, j’ai entendu en silence toutes ces malignes interprétations d’un acte dont la véritable nature vous avait été révélée bien avant de l’être au public. Je n’ai rien répondu. Que pouvais-je répondre ? Les apparences étaient contre moi. Vous seul vous saviez que ces notes existaient depuis longtemps, enfermées dans ma cassette de bois de rose, avec les dix volumes de notes de ma mère ; qu’elles ne devaient pas en sortir ; que j’avais rejeté avec un soubresaut d’esprit la première idée de les publier ; que ]’avais refusé une rançon de roi contre ces feuilles, sans valeur réelle, et qu’enfin un jour, — un jour que je me reproche, — contraint d’opter fatalement entre la nécessité d’aliéner mes pauvres Charmettes à moi, des Charmettes aussi chères, des Charmettes plus saintes que celles des Confessions, ou entre la nécessité de laisser publier ces pages, j’avais préféré me contrister moi-même, à la douleur de contrister de vieux et bons serviteurs en vendant leurs toits et leurs vignes à des étrangers. J’avais reçu d’une main le prix des Confidences, et j’avais remis ce prix de l’autre main à d’autres, pour en acheter du temps.

Voilà tout mon crime, et je l’expie.

Eh bien ! que ces critiques se réjouissent jusqu’à satiété de vengeance ! ce sacrifice n’a servi à rien ! C’est