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XXXIII


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C’est ce grincement de l’instrument rustique qui avait attiré mes regards et mon attention.

Je voyais ce groupe sans qu’il pût me voir, caché que j’étais par une touffe de buis et par l’angle de la roche à laquelle je m’étais adossé. En levant les yeux un peu plus haut, je vis une vieille femme voûtée par l’âge et dont le vent de la cascade fouettait autour du cou les cheveux blancs. Mère sans doute d’un des deux jeunes voyageurs, elle se tenait sans affectation à une certaine distance, comme pour ne pas troubler un dernier entretien. Elle avait l’air de chercher avec distraction, de broussaille en broussaille, les grappes roses d’épine-vínette qu’elle portait à sa bouche et qu’elle ramassait dans son tablier.

La jeune fille poussa bientôt du bout du pied l’instrument de musique, et posant ses deux mains sur l’herbe, le visage tourné vers le jeune homme, ils se parlèrent à demi-voix en se regardant tristement pendant un quart d’heure. Je ne pouvais entendre les paroles, mais je voyais à l’expression des lèvres et des yeux que les cœurs se fondaient et que les larmes étaient sur les bords des pensées. Ils avaient l’air de se faire des adieux, des recommandations et des serments ; ils ne s’apercevaient pas que le jour baissait.