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carrément à l’extrémité, lui tombaient le long des joues, des deux côtés du visage. Il regardait le fer de son bâton, et semblait absorbé dans une pensée muette.


XXXII


La jeune fille était grande, svelte, élancée, d’une stature un peu moins forte que celle des femmes de cet âge parmi les paysannes des plaines. Il y avait dans le cou, dans le port de sa tête, dans l’attache des bras aux épaules, dans le léger renflement de la poitrine où les seins se dessinaient à peine, et très-bas, comme dans les torses grecs des femmes de Sparte, quelque chose de dispos, de fier, de sauvage qui rappelait l’élasticité et la souplesse du cou et de la tête du chamois. Sa robe de grosse laine verte, ornée d’un galon de fil noir, ne descendait qu’à mi-jambe. Elle était chaussée d’un bas bleu. Ses souliers emboîtaient à, peine l’extrémité des doigts. Ils étaient recouverts, sur le cou-de-pied, d’une large boucle d’acier. Elle avait un fichu rouge qui tombait triangulairement entre les épaules et qui se croisait sur le sein ; une chaîne d’or autour du cou ; une coiffe noire entourée d’une large dentelle plate qui retombait comme des feuilles fanées sur son front et encadrait le visage. Ses yeux étaient du plus beau bleu de l’eau des cascades ; ses traits, peu prononcés, mais doux, fiers, attrayants ; son teint, aussi blanc et aussi rose que celui des femmes que l’on élève à l’ombre dans les salons de nos villes ou dans les sérails d’Asie. L’éternelle fraîcheur de ces montagnes, le voisinage des neiges, l’humidité des eaux, la réverbération des prés, préservent ces filles