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Nous détestions l’empire et ce régime plagiaire de la monarchie ; nous déplorions qu’un héros comme Bonaparte ne fût pas en même temps un complet grand homme et ne fît servir les forces matérielles de la révolution tombées de lassitude dans sa main qu’à reforger les vieilles chaînes de despotisme, de fausse aristocratie et de préjugés que la révolution avait brisées. L’abbé Dumont, quoiqu’il eût le jacobinisme en horreur, conservait de la république une certaine verdeur âpre mais savoureuse sur les lèvres et dans le cœur. Il me la communiquait sans y penser. Mon âme jeune, pure de viles ambitions, indépendante comme la solitude, aigrie par la compression du sort, qui semblait s’obstiner à me fermer le monde, était prédisposée à cette austérité d’opinion qui console des torts de la fortune en la faisant mépriser dans ceux qu’elle favorise, et qui aspire au gouvernement de la seule vertu. La restauration, qui nous avait enivrés l’un et l’autre d’espérances, commençait à les décevoir. Elle laissait penser, du moins, lire, écrire, discuter. Elle avait le bruit intestin des gouvernements libres et les orages de l’opinion. Mais l’adoration superstitieuse du passé, soufflée par des courtisans incrédules à un peuple vieilli de deux siècles en vingt-cinq ans, nous désenchantait. Nous ne murmurions pas, de peur de nous confondre avec les partisans de l’empire ; mais nous gémissions tout bas et nous remontions ou nous descendions les siècles pour y retrouver des gouvernements dignes de l’humanité. Hélas ! où sont-ils ?...

Quant à la religion, le fanatisme qu’on s’efforçait alors de raviver sous ce nom par les cérémonies, les processions, les prédications, les congrégations moins religieuses que dynastiques, nous semblaient un misérable travestissement d’un parti politique voulant se consacrer