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Platon, de Cicéron, de Sénèque, de Fénelon, de Bossuet, de Voltaire, de Rousseau, livres étalés tour à tour sur la table, ouverts, fermés, rouverts, confrontés, discutés, admirés ou écartés, comme des cartes de ce grand jeu de l’âme que le génie de l’homme joue avec l’énigme de la nature depuis le commencement jusqu’à la fin des siècles.


XIII


Quelquefois, mais rarement, de beaux vers des poëtes anciens récités par moi dans leur langue, sous ce même toit où j’avais appris à épeler les premiers mots de grec et de latin. Mais les vers tenaient peu de place dans ces citations et dans ces entretiens. L’abbé Dumont, ainsi que plusieurs des hommes supérieurs que j’ai le plus connus et le plus aimés dans ma vie, ne les goûtait pas. De la parole écrite, il n’appréciait que le sens et très-peu la musique. Il n’était pas doué de cette espèce de matérialité intellectuelle qui associe, dans le poëte, une sensation harmonieuse à une idée ou à un sentiment, et qui lui donne aussi une double prise sur l’homme par l’oreille et par l’esprit.

Il lui semblait, et il m’a souvent semblé plus tard à moi-même, qu’il y avait en effet une sorte de puérilité humiliante pour la raison dans cette cadence étudiée du rhythme et dans cette consonnance mécanique de la rime qui ne s’adressent qu’à l’oreille de l’homme et qui associent une volupté purement sensuelle à la grandeur morale d’une pensée ou à l’énergie virile d’un sentiment. Les vers lui paraissaient la langue de l’enfance des peu-