Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’abbé Dumont avait alors trente-huit ans. Sa taille était élevée, ses membres souples, son attitude martiale, son costume laïque, leste, soigné, comme s’il eût voulu, sans manquer tout à fait aux convenances, se rapprocher néanmoins le plus possible de l’habit de l’homme du monde, et faire oublier aux autres et à lui-même un état qui lui avait été imposé tard.

Son visage avait une expression d’énergie, de fierté, de virilité, qu’adoucissait seulement une teinte de tristesse douce, habituellement répandue sur sa physionomie. On y sentait une nature forte, enchaînée sous un habit par quelques liens secrets qui l’empêchent de se mouvoir et d’éclater. Le contour des joues était pâle comme une passion contenue ; la bouche fine et délicate ; le nez droit, modelé avec une extrême pureté de lignes, renflé et palpitant vers les narines, ferme, étroit et musculeux vers le haut, où il se lie au front et sépare les yeux. Les yeux étaient d’une couleur bleu de mer mêlé de teintes grises comme une vague à l’ombre ; les regards étaient profonds et un peu énigmatiques, comme une confidence qui ne s’achève pas ; ils étaient enfoncés sous l’arcade proéminente d’un front droit, élevé, large, poli par la pensée. Ses cheveux noirs, déjà un peu éclaircis par la fin de sa jeunesse, étaient ramenés sur ses tempes en mèches lisses, luisantes, collées à la peau, dont elles relevaient la blancheur. Ils ne laissaient apercevoir aucune trace de tonsure. Leur finesse et la moiteur habituelle de la peau leur donnaient au sommet du front et vers les tempes quelques inflexions à peine perceptibles, comme celle de l’acanthe autour d’un chapiteau de marbre.

Tel était l’extérieur de l’homme avec lequel, malgré la distance des années, la solitude, le voisinage, la con-