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agitations présentes du monde politique. Il ne les regardait que de côté. Il aimait toujours la liberté, mais il ne l’attendait que de Dieu, comme il ne voyait de stabilité que dans la loi. Le mysticisme de sa mère jetait ses consolantes illusions sur sa piété.

Il m’écrivait souvent sur les affaires du temps. Ses lettres étaient tristes et graves, comme la voix d’un homme qui parle du fond du sanctuaire à ceux qui sont sur la place publique. Une fois, je fus quinze jours sans recevoir de ses lettres. J’en reçus une de sa sœur qui m’apprenait sa fin. Il était mort dans les bras de sa femme en bénissant ses fils et en me nommant parmi ceux qu’il regrettait de laisser sur la terre et qu’il désirait de retrouver ailleurs. La religion avait immortalisé d’avance son dernier soupir. Sceptique en commençant le chemin, a mesure qu’il avait avancé dans la vie il avait vu plus clair. A l’extrémité de la route il ne doutait plus. Il touchait à Dieu !

Je perdis en lui le témoin vivant de toute la première moitié de ma vie. Je sentis que la mort déchirait la plus chère page de mon histoire ; elle est ensevelie avec lui.


XXI


Ce fut en Dauphiné, dans les ruines du vieux château de sa famille, appelé Pupetières, que j’écrivis pour lui la méditation poétique intitulée le Vallon. Ces vers rappellent le site et les sentiments que cette solitude, ces bois et ces eaux faisaient alors murmurer en nous. Si l’on écrivait le murmure des hois et des eaux, on aurait mieux que ces faibles strophes. L’âme du poëte est une eau cou-