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s’enveloppe pour mourir voluptueusement à la terre. Je voyais le matin briller de loin au soleil, à sept lieues de moi, sur la rive opposée, le large et blanc château de Vincy ; j’aurais pu y retourner si j’avais voulu abuser encore de la touchante hospitalité de ses maîtres. Je me contentai d’écrire une-lettre de remercîment à mes hôtes, en les informant de ma nouvelle demeure.


XII


Toutes les communications avec la France s’étaient fermées à cause de la guerre. Je ne savais pas si j’y rentrerais jamais. J’étais fermement résolu à ne jamais y rentrer pour subir l’oppression de pensée et l’asphyxie politique dans lesquelles je me sentais étouffer par la brutalité de l’empire. Je vivais de rien. Cependant mon voyage en Suisse avait un peu allégé le poids de ma ceinture de cuir, qui ne contenait que vingt-cinq louis à mon départ de France. Je songeais sérieusement au parti que je pouvais tirer de ma jeunesse et de mes études si je renonçais à mon pays. Je m’arrêtai à l’idée d’entrer pour quelque temps comme maître de langue ou comme instituteur dans une famille russe, de passer ensuite en Crimée, en Circassie, et de là en Perse, pour y chercher le climat d’Orient, sa poésie, ses combats, ses aventures et ses fortunes merveilleuses, que l’imagination de vingt ans entrevoit toujours dans le mystère et dans le lointain. Ce fut sous l’empire de ces impressions que j’écrivis cette romance, qui n’a jamais été insérée dans mes œuvres :