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baisai avec enthousiasme cette terre de la liberté. Je me souvins que, quatre ans auparavant, venant de Milan à Lausanne, le même enthousiasme m’avait saisi en lisant sur un écusson en pierre de la route, entre Villeneuve et Vevay, ces deux mots magiques : Liberté, égalité !

Un vieillard de Lausanne, qui voyageait dans la même voiture que moi, témoin de l’émotion que soulevait dans mon âme ce symbole des institutions républicaines au milieu de l’asservissement de l’empire, voulut que je descendisse dans sa maison et me retint, quoique inconnu, plusieurs jours dans sa famille. Les hommes se reconnaissent aux sentiments autant qu’aux noms. Les idées généreuses sont une parenté entre les étrangers. La liberté à sa fraternité comme la famille.


V


Je n’avais ni lettres, ni crédit, ni recommandation, ni papiers qui pussent m’ouvrir l’accès d’une seule maison en Suisse. La police fédérale pouvait me prendre pour un des nombreux espions que l’empereur envoyait dans les cantons pour soulever l’opinion en sa faveur et révolutionner le pays contre les faibles restes de l’aristocratie de Berne. Il fallait trouver à tãtons une famille qui répondît de moi. J’entrai à Saint-Cergue dans la maison d’un des guides qui conduisaient les étrangers de France en Suisse par les sentiers de la montagne. Je lui demandai l’hospitalité pour la nuit. Dans le cours de la conversation, après le souper, je m’informai de cet homme quelles étaient les principales familles du pays de Vaud avec lesquelles il avait des relations et où il