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J’exprimai ces idées avec loyauté et avec énergie. Je les appuyai de quelques considérations hardies de nature à faire impression sur les esprits en suspens.

Je dis que la cause de la liberté et la cause des Bourbons étaient heureusement réunies en France depuis que Louis XVIII avait donné à la France le gouvernement représentatif ; que c’était notre force d’être associés de cœur avec les libéraux et avec les républicains ; que la même haine nous animait contre Bonaparte, que l’usurpateur de tous les droits du peuple ne pouvait pas gouverner désormais sans donner lui-même une ombre de constitution libérale à la nation ; que cette constitution impliquerait nécessairement la liberté de la parole et la liberté de la presse ; que si les républicains et les royalistes réunis se servaient à la fois et ensemble de ces armes de l’opinion contre Bonaparte, son règne serait court et sa chute définitive, mais que si les royalistes émigraient et livraient les républicains à l’armée, toute résistance à la tyrannie serait promptement étouffée, ou dans le sang des libéraux, ou dans les cachots des prisons de l’État ; que les hommes de la liberté étaient les ennemis de l’émigration ; que, disposés à s’allier aujourd’hui avec nous sur le terrain des libertés constitutionnelles et d’une restauration de 89, ils s’en sépareraient à l’instant où ils nous verraient sur le sol étranger et sous un autre drapeau que celui de l’indépendance du pays ; qu’ainsi notre devoir envers la patrie, notre devoir envers nos familles, comme la saine politique et la fidélité utile, nous défendaient de suivre le roi hors du territoire ; que les pas que nous avions faits jusque-là pour le suivre étaient les pas de la discipline et de la fidélité, qui ne laisseraient dans notre vie que des traces d’honneur, mais qu’un pas de plus nous dénationaliserait et ne nous