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ils éclataient en malédictions contre les prétoriens qui venaient renverser les institutions et la paix à peine reconquises. Voilà ce que j'ai vu et entendu depuis la place Louis XV, d’où nous partîmes, jusqu’à la frontière belge, où nous nous arrêtâmes.

Et ce n’étaient pas seulement les royalistes, les partisans de la maison de Bourbon, qui parlaient ainsi, c’étaient surtout les libéraux, les amis de la révolution et de la liberté.

Nous arrivâmes au milieu de ce concert d’imprécations et de larmes jusqu’à Béthune, petite ville fortifiée de nos frontières du Nord, à deux lieues de la Belgique. Le maréchal Marmont nous commandait. Le comte d’Artois et le duc de Berri, son fils, marchaient avec nous. Le roi s’était séparé de nous à Arras et avait pris la route de Lille. Il ne passa que quelques heures à Lille, où les dispositions de la garnison menaçant sa sûreté. il se réfugia en Belgique.

À cette nouvelle, le comte d’Artois, le maréchal Marmont et les grenadiers à cheval de la garde royale sortirent de Béthune pour suivre le roi hors de France. Quelques compagnies de gardes du corps, de chevau-légers et de mousquetaires restèrent dans la ville pour la défendre. Le soir on nous réunit sur la place d’armes ; on nous fut une proclamation des princes qui nous remerciaient de notre fidélité ; ils nous adressaient leurs adieux et nous disaient que, dégagés désormais de notre serment envers eux, nous étions libres de rentrer dans nos familles ou de suivre le roi sur la terre étrangère.

Des groupes se formèrent de toutes parts à cette lecture. Nous délibérâmes sur le parti le plus honorable et le plus patriotique à prendre dans cet abandon où l’on nous laissait. Les uns opinaient à suivre le roi, les autres