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Et sa main m’entraînait aux marches de son temple,
Et, comme un humble enfant, je suivais son exemple,
Et sa voix me disait tout bas : « Prie avec moi !
Car je ne comprends pas le ciel même sans toi ! »
 
Mais pourquoi m’entraîner vers ces scènes passées ?
Laissez le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, à mes tristes pensées !
Je veux rêver et non pleurer !
 
Voyez dans son bassin l’eau d’une source vive
S’arrondir comme un lac sous son étroite rive,
Bleue et claire, à l’abri du vent qui va courir
Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir !
Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide,
En y plongeant son cou qu’enveloppe la ride,
Orne sans le ternir le liquide miroir,
Et si berce au milieu des étoiles du soir ;
Mais si, prenant son vol vers des sources nouvelles,
Il bat le flot tremblant de ses humides ailes,
Le ciel s’efface au sein de l’onde qui brunit,
La plume à grands flocons y tombe et la ternit,
Comme si le vautour ennemi de sa race,
De sa mort sur les flots avait semé la trace ;
Et l’azur éclatant de ce lac enchanté
N’est plus qu’une onde obscure où le sable a monté !
 
Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme ;
Le rayon s’éteignit, et sa mourante flamme
Remonta dans le ciel pour n’en plus revenir.
Elle n’attendait pas un second avenir ;
Elle ne languit pas de doute en espérance,
Et ne disputa pas sa vie à la souffrance ;
Elle but d’un seul trait le vase de douleur ;
Dans sa première larme elle noya son cœur !
Et, semblable à l’oiseau, moins pur et moins beau qu’elle,
Qui le soir pour dormir met son cou sous son aile,