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Cecco, dans une maison du Vomero, colline élevée et saine qui domine Naples. »

Je restai ensuite plus de trois mois sans recevoir aucune lettre. Je pensais tous les jours à Graziella. Je devais repartir pour l’Italie au commencement du prochain hiver. Son image triste et charmante m’y apparaissait comme un regret, et quelquefois aussi comme un tendre reproche. J’étais à cet âge ingrat où la légèreté et l’imitation font une mauvaise honte au jeune homme de ses meilleurs sentiments ; âge cruel où les plus beaux dons de Dieu, l’amour pur, les affections naïves, tombent sur le sable et sont emportés en fleur par le vent du monde. Cette vanité mauvaise et ironique de mes amis combattait souvent en moi la tendresse cachée et vivante au fond de mon cœur. Je n’aurais pas osé avouer sans rougir et sans m’exposer aux railleries quels étaient le nom et la condition de l’objet de mes regrets et de mes tristesses. Graziella n’était pas oubliée, mais elle était voilée dans ma vie. Cet amour qui enchantait mon cœur, humiliait mon respect humain. Son souvenir, que je nourrissais seulement en moi dans la solitude, dans le monde me poursuivait presque comme un remords. Combien je rougis aujourd’hui d’avoir rougi alors ! et qu’un seul des rayons de joie ou une des gouttes de larmes de ses chastes yeux valait plus que tous ces regards, toutes ces agaceries et tous ces sourires auxquels j’étais prêt à sacrifier son image ! Ah ! l’homme trop jeune est incapable d’aimer ! Il ne sait le prix de rien ! Il ne connaît le vrai bonheur qu’après l’avoir perdu ! Il y a plus de sève folle et d’ombre flottante dans les jeunes plants de la forêt ; il y a plus de feu dans le vieux cœur du chêne.

L’amour vrai est le fruit mûr de la vie. À dix-huit ans, on ne le connaît pas, on l’imagine. Dans la nature végé-