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compris que mon cœur était malade de toi. Je sais bien que je ne suis qu’une pauvre fille indigne de toucher seulement tes pieds par sa pensée. Aussi je ne t’ai jamais demandé de m’aimer. Je ne te demanderai jamais si tu m’aimes. Mais moi, je t’aime, je t’aime, je t’aime ! » Et elle semblait concentrer toute son âme dans ces trois mots. « Et maintenant, méprise-moi, raille-moi, foule-moi aux pieds ! Moque-toi de moi, si tu veux, comme d’une folle qui rêve qu’elle est reine dans ses haillons. Livre-moi à la risée de tout le monde ! Oui, je leur dirai moi-même : « Oui, je l’aime ! et si vous aviez été à ma place, vous auriez fait comme moi, vous seriez mortes ou vous l’auriez aimé ! »


XX


Je tenais les yeux baissés, n’osant les relever sur elle, de peur que mon regard ne lui en dît trop ou trop peu pour tant de délire. Cependant je relevai, à ces mots, mon front collé sur ses mains, et je balbutiai quelques paroles.

Elle me mit le doigt sur les lèvres. « Laisse-moi tout dire : maintenant je suis contente ; je n’ai plus de doute, Dieu s’est expliqué. Écoute :

« Hier quand je me suis sauvée de la maison après avoir passé toute la nuit à combattre et à pleurer à ta porte ; quand je suis arrivée ici à travers la tempête, j’y suis venue croyant ne plus te revoir jamais, et comme une morte qui marcherait d’elle-même à la tombe. Je devais me faire religieuse demain, aussitôt le jour venu. Quand je suis arrivée la nuit à l’île et que je suis allée