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malheur, s’empara enfin de mon esprit. Je tombai sur mon lit comme un poids mort et sans mouvement. La lassitude des pensées et des membres me jeta promptement dans des rêves confus, puis dans l’anéantissement du sommeil.


XIII


Deux ou trois fois dans la nuit, je me réveillai à demi. C’était une de ces nuits d’hiver plus rares, mais plus sinistres qu’ailleurs dans les climats chauds et au bord de la mer. Les éclairs jaillissaient sans interruption à travers les fentes de mes volets, comme les clignements d’un œil de feu sur les murs de ma chambre. Le vent hurlait comme des meutes de chiens affamés. Les coups sourds d’une lourde mer sur la grève de la Margellina faisaient retentir toute la rive, comme si on y avait jeté des blocs de rocher.

Ma porte tremblait et battait au souffle du vent. Deux ou trois fois il me sembla qu’elle s’ouvrait, qu’elle se refermait d’elle-même et que j’entendais des cris étouffés et des sanglots humains dans les sifflements et dans les plaintes de la tempête. Je crus même une fois avoir entendu résonner des paroles et prononcer mon nom par une voix en détresse qui aurait appelé au secours ! Je me levai sur mon séant ; je n’entendis plus rien : je crus que la tempête, la fièvre et les rêves m’absorbaient dans leurs illusions ; je retombai dans l’assoupissement.

Le matin, la tempête avait fait place au plus pur soleil. Je fus réveillé par des gémissements véritables et par des cris de désespoir du pauvre pêcheur et de sa