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se mettait plus à table pour le repas. Elle ne travaillait plus au corail. Elle passait tous ses jours enfermée dans sa chambre sans vouloir répondre quand on l’appelait, et toutes ses nuits à se promener sur la terrasse. On disait dans le voisinage qu’elle était folle ou qu’elle était tombée innamorata. Mais lui savait bien que ce n’était pas vrai.

Tout le mal venait, disait l’enfant, de ce qu’on voulait la fiancer à Cecco et qu’elle ne le voulait pas. Beppino avait tout vu et tout entendu. Le père de Cecco venait tous les jours demander une réponse à son grand-père et à sa grand-mère. Ceux-ci ne cessaient de tourmenter Graziella pour qu’elle donnât enfin son consentement. Elle ne voulait pas en entendre parler ; elle disait qu’elle se sauverait plutôt à Genève. C’est pour le peuple catholique de Naples une expression analogue à celle-ci : « Je me ferais plutôt renégat. » C’est une menace pire que celle du suicide : c’est le suicide éternel de l’âme. Andréa et sa femme, qui adoraient Graziella, se désespéraient à la fois de sa résistance et de la perte de leurs espérances d’établissement pour elle. Ils la conjuraient par leurs cheveux blancs ; ils lui parlaient de leur vieillesse, de leur misère, de l’avenir des deux enfants. Alors Graziella s’attendrissait. Elle recevait un peu mieux le pauvre Cecco, qui venait de temps en temps s’asseoir humblement le soir à la porte de la chambre de sa cousine et jouer avec les petits. Il lui disait bonjour et adieu à travers la porte ; mais il était rare qu’elle lui répondît un seul mot. Il s’en allait mécontent mais résigné, et revenait le lendemain toujours le même. « Ma sœur a bien tort, disait Beppino. Cecco l’aime tant et il est si bon ! Elle serait bien heureuse ! – Enfin ce soir, ajouta-t-il, elle s’est laissé vaincre par les prières