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ménage. C’était bien peu, ces braves gens trouvaient que c’était trop. On voyait bien que, loin de chercher à gagner sur moi, ils souffraient intérieurement de ce que leur pauvreté et la frugalité trop restreinte de leur vie ne leur permettaient pas de m’offrir une hospitalité dont ils eussent été plus fiers si elle ne m’avait rien coûté. On ajouta deux pains à ceux qu’on achetait chaque matin pour la famille, un peu de poisson bouilli ou frit à dîner du laitage et des fruits secs pour le soir, de l’huile pour ma lampe, de la braise pour les jours froids : ce fut tout. Quelques grains de cuivre, petite monnaie du peuple à Naples, suffisaient par jour à ma dépense. Je n’ai jamais mieux compris combien le bonheur était indépendant du luxe, et combien on en achète davantage avec un denier de cuivre qu’avec une bourse d’or, quand on sait le trouver où Dieu l’a caché.


XIV


Je vécus ainsi pendant les derniers mois de l’automne et pendant les premiers mois de l’hiver. L’éclat et la sérénité de ces mois de Naples les font confondre avec ceux qui les ont précédés. Rien ne troublait la monotone tranquillité de notre vie. Le vieillard et son petit-fils ne s’aventuraient plus en pleine mer à cause des coups de vent fréquents de cette saison. Ils continuaient à pêcher le long de la côte, et leur poisson vendu sur la marine par la mère fournissait amplement à leur vie sans besoin.

Graziella se perfectionnait dans son art ; elle grandissait et embellissait encore dans la vie plus douce et plus