Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sous sa robe d’enfant, qui glisse des épaules,
A peine aperçoit-on deux globes palpitants,
Comme les nœuds formés sous l’écorce des saules
Qui font renfler la tige aux séves du printemps.

CHANT.

Il est nuit sur les monts. L’avalanche ébranlée
Glisse par intervalle aux flancs de la vallée.
Sur les sentiers perdus sa poudre se répand ;
Le pied d’acier du cerf à ce bruit se suspend.
Prêtant l’oreille au chien qui le poursuit en rève,
Il attend pour s’enfuir que le croissant se lève.
L’arbre au bord du ravin, noir et déraciné,
Se penche comme un mât sous la vague incliné.
La corneille, qui dort sur une branche nue,
S’éveille et pousse un cri qui se perd dans la nue ;
Elle fait dans son vol pleuvoir à flocons blancs
La neige qui chargeait ses ailes sur ses flancs.
Les nuages chassés par les brises humides
S’empilent sur les monts en sombres pyramides,
Ou, comme des vaisseaux sur le golfe écumant,
Labourent de sillons le bleu du firmament.
Le vent transi d’Érin qui nivelle la plaine
Sur la lèvre en glaçons coupe et roidit l’haleine ;
Et le lac où languit le bateau renversé
N’est qu’un champ de frimas par l’ouragan hersé.
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .
Un toit blanchi de chaume où la tourbe allumée
Fait ramper sur le ciel une pâle fumée ;
La voix du chien hurlant en triste aboîment sort,
Seul vestige de vie au sein de cette mort :
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .
Quel est au sein des nuits ce jeune homme, ou ce rêve
Qui de l’étang glacé suit à grands pas la grève,