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ché du piano ; qu’enfin elle avait refermé sa fenêtre et qu’elle s’était assise longtemps immobile comme quelqu’un qui lit.


X


Elle rougissait en me voyant si attentif à observer ce qu’elle faisait et en pensant qu’un regard invisible notait ses regards, ses pas et ses gestes jusque dans sa tour, où elle ne se croyait vue que de Dieu ; mais elle ne paraissait donner aucune signification d’attachement particulier à cette vigilance de ma pensée sur elle.

« Et vous, me disait-elle avec un intérêt sensible dans la voix, mais masqué d’une apparente indifférence, qu’avez-vous fait aujourd’hui ? » Je n’osais jamais lui dire : « J’ai pensé a vous ! » Et nous restions toujours dans cette délicieuse indécision de deux cœurs qui sentent qu’ils s’adorent, mais qui ne se décideraient jamais à se le dire des lèvres : leur silence et leur tremblement même le disent assez pour eux.

Ossian fut notre confident muet et notre interprète. Elle m’en avait prêté un volume. Je devais le lui rendre. Après avoir glissé dans toutes les pages les brins de mousse, les grains de lierre, les fleurs qu’elle aimait à cueillir dans les haies ou sur les pots de giroflée des chaumières quand nous nous promenions ensemble avant l’hiver ; après avoir cherché à appeler ainsi sa pensée sur moi et montré que je pensais à ses goûts moi-même, l’idée me vint d’ajouter une ou deux pages à Ossian, et de charger l’ombre des bardes écossais de la confidence de mon amour sans espoir. J’affectai de me faire rede-