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II


Après quelques mois de ce supplice, je résolus de m’échapper. Je calculai longtemps et habilement mes moyens d’évasion. Enfin, à l’heure où la porte d’un parloir s’ouvrait pour les parents qui venaient visiter leurs enfants, j’eus soin de me tenir dans ce parloir. Je fis semblant d’avoir jeté dans la rue la balle avec laquelle je jouais. Je me précipitai dehors comme pour la rattraper. Je refermai violemment la porte, et je m’élançai à toutes jambes à travers les petites ruelles bordées de murs et de jardins qui sillonnaient le faubourg de la Croix-Rousse, à Lyon. Je parvins bientôt à faire perdre mes traces au gardien qui me poursuivait, et quand j’eus gagné les bois qui couvraient les collines de la Saône, entre Neuville et Lyon, je ralentis le pas et je m’assis au pied d’un arbre pour reprendre haleine et réfléchir.

Je n’avais pour toute ressource que trois francs en petite monnaie dans ma poche. Je savais bien que je serais mal reçu par mon père ; mais je me disais : « Ma fuite aura toujours cela de bon qu’on ne pourra pas me renvoyer dans le même collège ; » Et puis, je ne comptais pas me présenter à mon père. Mon plan consistait à aller à Milly demander asile à un de ces braves paysans doit-t j’étais si connu et si aimé, soit même à la loge du gros chien de garde de la cour de la maison, où j’avais si souvent passé des heures avec lui couché sur la paille ; de la j’aurais fait prévenir ma mère que j’étais arrivé ; elle aurait adouci mon père ; on m’aurait reçu et pardonné, et j’aurais repris ma douce vie auprès d’eux.