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Qui, soulevant ce sein plus mobile que l’onde,
Semble espérer en vain qu’un soupir lui réponde !

» Voilà donc ce qui fit mon bonheur un instant !
Mon bonheur !… Non, de toi je n’attendais pas tant :
Pourvu que le plaisir, les voluptés légères
Couronnassent de fleurs nos chaînes passagères ;
Que, dans ce doux climat par tes pas embelli,
Je pusse respirer les parfums… et l’oubli ;
Que le remords, fuyant aux accents de ta bouche,
Laissât le doux sommeil s’approcher de ma couche ;
Léna ! c’était assez pour un cœur profané !
C’était mon seul bonheur, et tu me l’as donné !
Mais, de quelque nectar qu’elle ait été remplie,
La coupe où nous buvons a toujours une lie :
N’épuisons donc jamais sa liqueur qu’à demi,
Et, consacrant le reste au destin ennemi,
Faisons-lui prudemment, quelque effort qu’il en coûte,
Une libation de la dernière goutte !
Je t’aime encor ; je pars. Adieu !… Trompeur sommeil,
Retarde un désespoir qui l’attend au réveil !


IX


Harold s’est élancé sur son léger navire ;
Dans les câbles tendus la nuit déjà soupire ;
La voile, qui s’entr’ouvre au vent qui l’arrondit,
Monte de vergue en vergue, et s’enfle, et s’agrandit ;
Et, couvrant ses flancs noirs de l’ombre de son aile,
Fait pencher sur les flots le vaisseau qui chancelle.