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DE SOCRATE.

Et ses membres roidis, sans force et sans couleur,
Du marbre de Paros imitaient la pâleur.
En vain Phédon penché sur ses pieds qu’il embrasse
Sous sa brûlante haleine en réchauffait la glace,
Son front, ses mains, ses pieds se glaçaient sous nos doigts :
Il ne nous restait plus que son âme et sa voix !
Semblable au bloc divin d’où sortit Galatée
Quand une âme immortelle à l’Olympe empruntée,
Descendant dans le marbre à la voix d’un amant,
Fait palpiter son cœur d’un premier sentiment,
Et qu’ouvrant sa paupière au jour qui vient d’éclore,
Elle n’est plus un marbre, et n’est pas femme encore.





Était-ce de la mort la pâle majesté,
Ou le premier rayon de l’immortalité ?
Mais son front rayonnant d’une beauté sublime
Brillait comme l’aurore aux sommets de Didyme,
Et nos yeux, qui cherchaient à saisir son adieu,
Se détournaient de crainte et croyaient voir un dieu !
Quelquefois l’œil au ciel il rêvait en silence ;
Puis déroulant les flots de sa sainte éloquence,
Comme un homme enivré du doux jus du raisin
Brisant cent fois le fil de ses discours sans fin,
Ou comme Orphée errant dans les demeures sombres,
En mots entrecoupés il parlait à des ombres.





« Courbez-vous, disait-il, cyprès d’Académus !
Courbez-vous, et pleurez ; vous ne le verrez plus !