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NOTE SIXIÈME


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Quel immense cortége, en longs habits de deuil,
De colline en colline……


Cet épisode est historique, et s’il ne l’était pas dans tous ses détails, qui aurait osé l’inventer ?

Dans le recueil des Chants populaires de la Grèce moderne, publiés et traduits par M. C. Fauriel, on trouve le morceau suivant :


« Le combat de la première journée ne fut pas décisif. Le second, celui du lendemain, fut terrible ; il était encore un peu incertain, lorsque soixante femmes, voyant qu’il allait finir par l’extermination des leurs, se rassemblèrent sur une éminence escarpée qui avait un de ses flancs taillé à pic sur un abîme, au fond duquel un gros torrent se brisait entre mille pointes de roc dont son lit et ses bords étaient partout hérissés. Là, elles délibérèrent sur ce qu’elles avaient à faire pour ne pas tomber au pouvoir des Turcs, qu’elles s’imaginaient déjà voir à leur poursuite. Cette délibération du désespoir fut courte et la résolution qui la suivit, unanime. Ces soixante femmes étaient, pour la plupart, des mères plus ou moins jeunes, ayant avec elles leurs enfants, que les unes portaient à la mamelle ou dans leurs bras, que les autres tenaient par la main. Chacune prend le sien, lui donne le dernier baiser, et le lance ou le pousse, en détournant la tête, dans le précipice voisin.